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L’Homme au centre du TPS chez Toyota


Dans mes précédents posts j’ai souligné à plusieurs reprises l’importance de l’Homme dans le TPS. Quand j’observe le déploiement du lean ici et là, je ne suis pas convaincu que la place centrale de l’Homme soit prise en compte. Je voudrais tout simplement rappeler que le « respect et le développement des hommes basée sur la confiance mutuelle et la coopération » fait parti des quatre objectifs de Toyota. Cet objectif vient directement en deuxième position après celui lié à la qualité.

Le conseil le plus fréquent : « surtout ne passez pas plus de 3 ans au même poste sinon vous êtes grillé »
La plupart des grandes entreprises occidentales recrutent les meilleurs diplômés des meilleurs écoles (universités) et supposent que ces nouvelles recrues ont les compétences qu’il faut pour prendre des responsabilités et traiter des dossiers tout de suite. On les met donc en situation de responsabilité très rapidement. Ils doivent faire leurs preuves et survivre dans « l’autocuiseur » ; c’est-à-dire un environnement professionnel dont le niveau de pression est très élevé. Les ingénieurs sont quelquefois coachés en termes de carrière et le conseil que l’on leur donne est « surtout ne passez pas plus de 3 ans au même poste sinon vous êtes grillé » -le coaching technique est quasiment inexistant. Suivant ce conseil, le jeune ingénieur qui veut faire carrière « voltigera » de postes en postes tout en essayant de faire le maximum de choses possibles car avoir un profil très pointu ou technique n’est pas souhaité et c’est la voie assurée vers un placard. Il faut être le plus généraliste possible. Les entreprises encouragent d’ailleurs leurs ingénieurs à avoir une double (multiple) compétence et par exemple de faire un MBA. L’un des symptômes témoignant de cette tendance est la convergence de la formation des ingénieurs dans les grandes écoles vers des profils généralistes quel que soit le type d’école.

 Chez Toyota, la technique est reine…
Chez Toyota, la voie royale n’est pas le MBA, la technique est très recherchée. Les véritables stars sont ceux qui ont réalisé des prouesses techniques. Comme les grandes entreprises occidentales, Toyota recrute les meilleurs diplômés de meilleures universités. Le processus est très sélectif : 1,1% des candidats. Les critères de sélection ne sont bien sûr pas les mêmes. Là s’arrête le point commun car après l’embauche, le jeune ingénieur suit un cursus semblable à un « T » renversé : très généraliste au début et pendant très peu de temps et ensuite il est orienté vers un métier où il suivra un parcours standard qui ne doit rien au hasard. L’embauche se fait par « promo » et de manière centralisée. Les quelques centaines d’ingénieurs recrutés passeront environ 4 mois chez un concessionnaire (avec un volet vente de porte en porte des voitures) et 3 à 4 mois sur une ligne de fabrication. Il faut rappeler que Toyota se définit d’abord comme un fabricant de voitures. D’où l’importance, pour eux, que tous les ingénieurs comprennent bien ce que signifie fabriquer une voiture. Ces voitures doivent ensuite être vendues d’où l’importance du sens du client.

Comme d’habitude le standard et le « Genchi Genbutsu »
Ici, rien ne se fait au hasard, une fois de plus on fait les choses suivant un standard. Cela permet de se débarrasser de la variabilité dans le système et de savoir à tout moment qui sait faire quoi, de manière à pouvoir confier la bonne tâche à la bonne personne au bon moment (conformément à l’esprit du JIT). A la fin de la période de formation généraliste, l’ingénieur est orienté vers le métier qu’il aura choisi (avec l’aide de ses gestionnaires et mentors). Par exemple, s’il est orienté vers la conception produit ou process il débutera par un « freshman project » de 9 mois qui lui permettra d’utiliser des outils techniques de base, les méthodes du TPS et interagir avec les autres. La mission portera sur l’amélioration d’un produit ou d’un process. Le point important ici n’est pas le résultat mais le respect du standard de travail. Après ce projet vient l’étape du OJT (on job training) où le jeune ingénieur est encadré par un mentor (senior engineer) pendant 2 ans à 2/3 de son temps pour obtenir le first level engineering rank pour le reste, 1/3 de son temps, il travaille sur DAO (dessin assisté par ordinateur). Pour info, chez Toyota tous les ingénieurs qui s’occupent du produit font leur propre travail de DAO. Pendant les 6 années suivantes, l’ingénieur se consacrera à la conception des pièces de la même partie du véhicule. Au final, pendant près de 8 ans, l’ingénieur fera l’objet de 3 à 4 évaluations par an. Des techniques bien structurées. Cela permettra de suivre son évolution et de valider qu’il « connaît bien ses gammes ». Il faut signaler que l’une des missions les plus importantes d’un manager est le développement de ses collaborateurs : bon manager = bon enseignant. Cela est d’autant plus facile qu’il doit savoir mieux faire le travail du collaborateur que le collaborateur lui-même –il a dû d’abord occuper le poste de son collaborateur dans son parcours. On ne peut pas être le chef de quelqu’un si on ne sait pas faire son job. De fait, le chef (et mentor) n’est pas arrivé à ce poste par hasard. Il s’agit véritablement d’une démarche du type « apprentissage ».
Finalement, ce n’est qu’après 10 à 12 ans d’expérience, que l’ingénieur est promu au premier niveau de management. En clair, chez Toyota vous ne trouverez pas des trentenaires ou des quadragénaires au niveau de directeur ou dans l’état major, comme dans les entreprises occidentales. Ils prennent le temps de former et de développer les hommes…
L’un des points importants dans le développement de l’ingénieur sera le « Genchi Genbutsu ». Comme vous le savez, il s’agit d’aller voir la véritable situation (pièce) pour bien comprendre la réalité actuelle. Comme le disait Kiichiro Toyoda, « on ne peut jamais faire confiance à un ingénieur qui ne se lave pas les mains avant de manger »…


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