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Une leçon du « 5 pourquoi » dans l’usine de NUMMI


Un escalator en panne chez Toyota
 

L’usine de NUMMI (NUMMI = New United Motor Manufacturing, Inc.) est une joint venture Toyota – GM située dans la ville de Fremont en Californie aux US. Cette usine produit des voitures pour les duex constructeurs depuis 1984. Il s’agit de la première usine exploitée par Toyota aux US. L’un des intérêts de NUMMI est qu’elle a été créée dans une ancienne usine qui appartenait à GM et qui n’était d’ailleurs pas parmi les plus performantes en son temps. La main d’œuvre originelle de NUMMI était également largement constituée d’anciens employés de GM. Cette usine est donc une preuve incontestable du fait qu’il est possible de faire du TPS en partant des moyens de production et des hommes issus de la production de masse. La greffe est possible, quel que soit l’état initial de l’entreprise ; il n’y a pas besoins d’employés japonais ! Ce site a longtemps hébergé le centre de formation où GM envoyait ses salariés pour être formés aux méthodes du TPS. GM y a également muté quelques uns de ses managers. Ces hommes sont aujourd’hui les piliers du système de production de GM (GMS = Global Manufacturing System) et des actions concrètes dans les usines du constructeur américain. Pas étonnant que GM soit celui des « big three » qui maîtrise le mieux le TPS !

Dans mes prochains messages je reviendrai sur cette usine que j’ai eu l’occasion de visiter et qui me semble être un laboratoire très intéressant pour tous ceux qui voudraient mettre en pratique le lean.

La première histoire que je vais raconter sur l’usine de NUMMI vient de Mark Graben, un ancien élève du MIT avec qui j’ai échangé pendant mon séjour aux US. Il raconte que lors de sa visite de NUMMI il est passé devant un escalator bloqué. Au dessus de cet escalator il y avait l’affiche suivante :

“Sorry for inoperative escalator.

It would cost$120k to repair.
We feel money could be better
spent on other things.
Please accept our apologies.”

 

Il faut préciser que l’escalator n’était pas le seul moyen de rejoindre l’étage supérieur. Il y avait également des escaliers et un ascenseur.

Quelle n’a pas été sa surprise de constater qu’en plein sanctuaire de la TPM on pouvait laisser un escalator en panne sans s’empresser de le réparer !

Il s’agit là d’un exemple frappant du résultat de l’utilisation du « 5 pourquoi ». Le « 5 pourquoi » consiste à ne pas agir sans chercher la cause première des choses. Il faut poser la question « pourquoi ? » 5 fois pour être certain que l’on ne se contente pas dans « l’apparent ». Dans le cas de l’escalator les personnes chargées de l’entretien de l’escalator on dû se demander pourquoi réparer un ascenseur qui ne sert à rien car il y avait d’autres moyens d’accéder à l’étage supérieur (escaliers et ascenseur) ? Comme le dit l’affiche : pourquoi ne pas mettre cet argent ailleurs ? Ce réflexe du « pourquoi » nous manque si souvent dans tout ce que l’on fait au quotidien. Le « 5 pourquoi » est un des outils les plus performants du TPS. Il encourage les employés à se poser la question sur « le pourquoi » de ce que l’on entreprend. Certes, sur la cause profonde, quand il s’agit d’une panne mais aussi sur la finalité des actions engagées. Ne pas faire les choses parce cela a toujours été fait ainsi mais se demander pourquoi au préalable. Comme vous le savez l’une des caractéristiques du TPS est de faire émerger les problèmes et les résoudre. La résolution des ces problèmes permet aux employés de progresser. Chez Toyota on pense que les meilleures solutions sont celles qui sont le résultat du « 5 pourquoi ».

Ce n’est pas « la vérité révélée » …N’oubliez pas le client

Il n’est pas inhabituel que des chantiers Kaizen ou de mise en place des outils de lean soient lancés sans se demander pourquoi on le fait et ce que cela rapporte. Il ne faut pas perdre de vue que le but de tout cela est de satisfaire à la demande du client. Par conséquent, la question doit toujours être : comment en faisant ce que je fais je réduis les coûts tout en réponds mieux à la demande du client ? De nombreux consultants et managers on tendance à considérer le lean comme étant la « vérité révélée » et n’hésitent pas à se lancer dans un déploiement directif sans accepter la moindre interrogation sur le bien-fondé de outils déployés. Combien de fois a-t-on vu des gens faire du Heijunka, du SMED ou imposer le passage au petits colis alors que cela ne s’imposait pas ? Mêmes les plus grands se font avoir. J’ai encore en mémoire une newsletter de Jim Womack (l’un des inventeurs du lean) qui faisait son mea culpa pour s’être entêter à appliquer certains outils de lean dans des conditions inadéquates. Avec son associé de toujours, Dan Jones, ils avaient racheté une entreprise de fabrication de bicyclette déclinante pour pouvoir appliquer le lean. Jim Womack raconte comment il s’est entêté à lisser la production (Heijunka) à tout prix. Il a tout fait pour que la séquence des pièces produites soit du type « ABABCBAB » alors que les bicyclettes produites étaient livrées une fois par jour. Si les bicyclettes étaient livrées une fois par jour, faire « ABABCBAB » ou « AAABBBBC » ne devrait avoir aucun effet au niveau du client. Pourquoi donc avoir lancer un lourd chantier Kaizen et/ou SMED pour produire à la séquence « ABABCBAB » ? Parce que le lean demande de lisser la production (Heijunka). Dans la même série, Il raconte également l’histoire d’une entreprise qui avait lancé un important chantier de Kaizen pour réduire le temps de changement d’outil de 8 heures à 5 minutes. Le seul problème c’est qu’il n’était pas prévu de fabriquer plus d’un type de produit sur cette machine (c’est-à-dire aucun besoin de changer d’outil). Résultat des courses : de l’énergie et du temps perdus uniquement par « dogmatisme » en vers le lean !

Il n’y a pas que des consultants hyper zélés qui poussent à l’application « aveugle » des outils du lean. En effet, il n’est pas rare que des chantiers lean soient lancés dans les entreprises tout simplement parce que le « chef » l’a demandé. Des managers précédemment hostiles se sont transformés du jour au lendemain en disciples du lean tout simplement par injonction du « chef ». Ce ne sont pas les meilleures conditions d’application du lean. Toyota se considère comme une organisation dont la force vient du savoir-faire des ses hommes. Et dans ce sens, répondre à la question du « pourquoi » est aussi important que la mise en place des outils elle-même. Si vous faites quelque chose aujourd’hui sans savoir pourquoi ; qu’est-ce qui vous fait penser que demain vous ne ferez pas exactement le contraire ? Cela nous conduit à l’importance du leadership dans la mise ne place du lean. Mais cela est un autre sujet qui sera abordé ultérieurement.

Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi … 5 fois voire plus si nécessaire. Facile à dire mais pas à faire.


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