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Le lean et le licenciement


Tout d’abord il est important de comprendre que des deux piliers du Toyota Way, le pilier le plus important est celui du respect des hommes. De plus Toyota considère que son but est la « prospérité sur le long terme de l’entreprise et du salarié ». Dans ces conditions, même si Toyota ne garantie pas l’emploi à vie par contrat, il embauche tout employé comme si cela était pour la vie. La décision n’est pas prise à la légère. Par conséquent, Toyota va être hyper sélectif et prendre le temps nécessaire avant d’embaucher. Un contrat pour la vie (comme un mariage) mérite bien cela. Vous l’avez bien compris tout est fait sur le long terme. On n’embauche pas pour « combler un trou » : le départ soudain d’un employé ou une apparition imprévue d’un besoin … La question n’est pas « est-ce que cette personne peut faire l’affaire pour un poste précis » mais plutôt « est-ce que cette personne correspond à la culture de Toyota et aux compétences qu’il nous faut dans l’avenir? ». On sélectionne d’abord et on pense au poste ensuite. Très souvent les embauches correspondent au plan de développement à long terme de Toyota. La plupart des entreprises ont un plan de développement  à 3 – 10 ans. Elles savent dire quels produits elles lanceront ou quelles usines elles ouvriront dans 3, 5 voire 10 ans. Simplement très peu sauraient dire quelles compétences (qualitativement et quantitativement) il leur faudrait pour réaliser ces plans.

Puisque l’on embauche pour le long terme, le processus est donc très sélectif. Comme le décrit ce post (sous le sous titre « Chez Toyota, la technique est reine… » ) : 1.1% de personnes retenues dans certains cas. Tout cela est effectué en 6 phases de sélection ! Et il ne s’agit même pas de managers… Je parle bien des operateurs et leurs responsables immédiats (Team member, Team leader, Group Leader). Je ne connais aucune autre entreprise qui met autant d’énergie dans le recrutement. Arrêtons-nous un instant… Quand on voit le temps que les entreprises passent à sélectionner leurs fournisseurs de pièces ou de machines, le temps que l’on passe à rédiger les contrats afin d’être certain que pièces ou les machines de meilleure qualité soient livrées, le temps que l’on passe ensuite chez le fournisseur et dans les usines à prendre soin des pièces et des machines, on se demande pourquoi les entreprises en font si peu pour les employés, qui sont sensés être la ressource la plus précieuse. Revenons à Toyota pour signaler que les personnes recrutées soigneusement sont ensuite développées formées au quotidien. Du temps et beaucoup d’énergie sont investis à cette fin. Par exemple, l’operateur suivra un parcours de formation de plusieurs dizaines d’heures reparties sur 5 ans. Tout ce travail en amont réduit drastiquement le « taux de rebuts » –allusion aux efforts investis dans la qualité de pièces.

Alors, diront d’aucuns, comment s’adapte-t-on au dynamisme du marche ? La méthode classique qui consiste à embaucher à tour de bras quand tout va, pour se débarrasser « à la pelle » des employés quand les choses vont moins bien. Certes la flexibilité est nécessaire (cela fait d’ailleurs partie de l’un des 4 sous-buts de Toyota). Pour se donner plus de flexibilité tout en préservant un objectif « d’emploi à vie », il est important d’utiliser des leviers d’ajustement. Les plus courants sont : les heures supplémentaires et la main d’œuvre intérimaire (le standard chez Toyota est de 15%). D’autres outils de flexibilité sont listés ici.

Comme toutes les entreprises ne sont pas Toyota, très peu de précautions ont certainement été prises par le passé (recrutement, formation, développement et formation des employés). Elles arrivent à un moment où il faut licencier pour survivre… A ce niveau il faut donc éviter de se « louper ». L’exemple raconté ici décrit l’approche Toyota. En quelques mots, il est important de viser juste pour la suite; plutôt bas que haut. Prévoir dans son plan l’utilisation des leviers de flexibilité signalés ci-dessus. Puis bâtir un contrat avec les employés qui restent : « ils s’engagent sur l’augmentation de la productivité de l’entreprise et l’entreprise, en retour, protègera leurs emplois ». Les coups s’il doit y en avoir doivent être absorbés par les managers en premier lieu.

Sans nier le dynamisme du marché ou nier les sources d’échecs personnels (le comportement ou le refus de se développer de certains employés), les licenciements, surtout quand ils sont nombreux, sont le révélateur d’un échec de la politique de ressources humaines d’une entreprise. Les entreprises devaient suivre cet indicateur de même que celui du turnover avec la même passion que ceux de la productivité et du rendement financier. Surtout si elles pensent vraiment que « la ressource humaine est la plus précieuses de leurs ressources ».


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