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La variabilité dans l’usine et ailleurs


Dans ce post je reviens sur la variabilité dans l’outil de production et ailleurs. Dans un précédent post j’avais souligné l’importance de la maitrise et, surtout, de la compréhension de la variabilité dans tout processus industriel. La compréhension de la variabilité ne doit pas se limiter seulement à quelques spécialistes dans une entreprise mais elle est, à mon humble avis, primordiale à la prise de bonne décision. Par conséquent, cela est un pré-requis pour un bon manager… Avant d’aller plus loin dans les prochains posts, je voudrais aborder très rapidement, dans ce post, la notion de cause commune et cause spéciale qui est très importante dans le traitement et l’analyse de la variabilité. En effet, les conclusions à en tirer ou les solutions à appliquer ne sont absolument pas les mêmes.

Pour illustrer mon propos voici l’histoire de Xavier est un jeune auto-entrepreneur qui en est encore au démarrage de son affaire. Il lui faut travailler de longues heures et se déplacer très souvent chez ses clients. Dans le cadre de son affaire, il est amené à recevoir de nombreux colis encombrants et des lettres recommandées. S’il n’est pas là lors du passage du postier, il lui faut aller au bureau de poste local pour retirer son courrier. Il a compté que cela lui faisait perdre au minimum 1 heure de son précieux temps ; l’obligeant ainsi à déprogrammer des rendez-vous avec des clients dont certains annulent purement et simplement la commande. Cela met en danger sa toute jeune affaire. Après réflexion, Xavier décide que la meilleure solution est d’être présent lors du passage du facteur afin de récupérer son courrier. Il lui faut donc déterminer de la manière la plus précise possible la plage horaire de passage du postier. Pour ce faire, il décide de relever l’heure de passage de son facteur sur 30 jours consécutifs. Les résultats se trouvent dans le tableau ci-dessous. Xavier a également noté que le jour où il a attendu le plus longtemps, le courrier n’avait pas été livré par le facteur habituel mais par son remplaçant. Inversement, le jour où il a le moins attendu, le courrier avait été livré par le facteur habituel accompagné d’une autre personne. La courbe ci-dessous donne est le résultat de son analyse statistique. L’heure de passage du postier varie autour d’une en moyenne égale à 10heures 30.

 

 

 

On considère en générale que les variations ont des causes spéciales ou communes.

  • Les causes spéciales correspondent à la situation où l’on a un lien clair entre la cause et la variation elle-même. L’exemple classique est celui de l’usure ou de la casse d’un outil de coupe qui entraine la production de pièces défectueuses ou l’arrêt de la machine. Il y a dans le cas d’une cause spéciale un changement net de l’état du processus. Il ne reviendra à son état initial qu’après intervention extérieure (e.g. réparation d’une panne). D’autres termes utilisés dans la littérature pour caractériser ce type de variations sont : markoviens, systématiques, assignables… Dans le cas de Xavier il s’agit des points 3 et 11 représentés sur le graphique.
  • Les causes communes correspondent à une situation résultant d’un ensemble de phénomènes quelquefois diffus et incontrôlables. Il s’agit du résultat de la variation naturelle d’un processus. L’exemple parfait est le salarié qui est interrompu par un coup de fil ou de l’opérateur qui met plus ou moins de temps pour effectuer une opération manuelle sans qu’il n’y ait de justification évidente. Les perturbations qui en résultent suivent très souvent une loi normale. Dans ce sens, il est donc possible de prévoir sa distribution ainsi que les bornes supérieures et inférieures. Apres l’occurrence d’une variation commune, il n’y a pas de changement de l’état du système si bien qu’il peut sans raison apparente retourner à la situation initiale. Tout se passe comme un lancé de pièces (pile ou face). La situation actuelle ne donne aucune information sur le résultat futur. D’autres termes utilisés dans la littérature pour caractériser ce type de variations sont : bernoulliens, aléatoires… Dans le cas de Xavier il s’agit très probablement de tous les points à l’exception des points 3 et 11 représentés sur le graphique.

Pour être complètement précis, on distingue une troisième catégorie de variations dites hybrides. Celles-là sont un peu plus rares. Ici le changement d’état agit uniquement sur la distribution des variations (e.g., différents taux de pannes). Je ne l’évoquerai pas ici.

Revenons aux deux types de variations énumérées ci-dessus. Quand la réponse du processus varie entre les bornes inférieures et supérieures (variations de causes communes) on parle d’un processus stable. Il s’agit d’une forte présomption et non d’une preuve. Si la réponse du processus sort des bornes inférieures et supérieures (variations de causes spéciales) alors le processus est dit instable (voir figure ci-dessus). Là également, il s’agit d’une forte présomption et non d’une preuve. Dans le cas de Xavier, le processus de livraison du courrier n’est pas stable.

Alors quand Xavier doit-il être là pour récupérer sont courrier ?

Il existe des méthodes simples pour calculer la limite de contrôle inférieure et la limite de contrôle supérieure représentées sur le graphique ci-dessus que nous ne développerons pas ici. Le résultat de ce calcul donne comme limites de contrôles inférieure et supérieure respectivement 10:24 et 10:36. Par contre, le processus n’étant pas stable, Xavier ne pourra pas collecter 100% de son courrier entre 10:24 et 10:36. On peut voir sur la figure ci-dessus que les points de passage de 10:20 et 10:48 sont bien hors contrôle, c’est-à-dire à l’extérieur de la zone de causes communes de variation. Pour être certain à 100% il devrait être présent 24 heures sur 24. Rien de bien raisonnable…


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